Apprendre à voler...

in #vie7 years ago (edited)

On grandit avec une prison dans la tête. On se fixe des limites, des gens à surtout pas fréquenter, des endroits où faut surtout pas traîner, des musiques à pas écouter, des films à pas voir, des pays à pas visiter, des boufs a pas manger...

On se forge une identité comme ça, on se sent appartenir à un groupe, à un territoire, les plus restreints possibles pour pas prendre trop de risques...

On fait bien des excursions, des sorties, des voyages mais où qu'on aille on a les mêmes repères, les mêmes principes, les mêmes habitudes dans lesquels on se sent à la fois à l'aise et à l'étroit...

Et quand on sort et qu'on voit autre chose, on se moque, on ridiculise et on méprise par peur de changer, de se trahir alors qu'on se connaît pratiquement pas...

On est tous différents mais on garde chacun pour soi ses rêves, ses passions secrètes par peur de passer de l'autre côté de la frontière, de faire cet aller sans retour qui nous transformerait en renégat, du moins c'est ce qu'on imagine...

Et puis un jour il se passe un truc inattendu, on se retrouve seul dans un monde carrément différent et on rencontre d'autres gens, d'autres regards, d'autres goûts, d'autres évidences et d'autres interdictions...

Alors les murs de la prison volent en éclat mais on n'a jamais vécu ça, on n'a jamais goûté à la liberté alors on en fait n'importe quoi, on la confond avec l'absence de conséquences aux actes qu'on pose sans même s'en rendre compte...

Alors on se transforme mais ça va trop vite, plus personne ne nous reconnaît, on ne sait plus où on en est, le chemin n'est plus indiqué, on est au pied de cinquante mille panneaux de signalisation qui indiquent tous des directions différentes...

Alors on prend peur, on attrape froid dans cette absence de cocon, on n'a pas appris à voler, personne ne nous a prévenu comment utiliser ces ailes qui nous grattent le dos et nous gênent quand on enfile notre pensée uniforme...

Alors on veut couper ces ailes dont on voit pas l'intérêt, on se sent gauche, maladroit, un gros tebê, on a oublié tout ce qu'on savait à force de lire le monde à travers des grilles de lecture aux antipodes les unes des autres...

Alors on demande qu'à retourner en prison, là où on a grandi, là où on s'est construit, ce carcan qui nous oppressait autant qu'il nous protégeait, parce qu'à l'air libre on n'est tellement pas habitué qu'on a l'impression d'étouffer et de vivre que l'oppression sans le confort de la routine...

On en a marre de plus ressembler à personne tellement on est unique, c'est pesant de se retrouver entouré de gens qui ont chacun des ailes de tailles et de couleurs différentes et qui non seulement savent voler (ou font tellement bien semblant que ça fait illusion) mais en plus volent tous dans des sens différents...

Au pied de la falaise, on sait bien pourtant qu'on est destiné à partir et à déployer toute son envergure un jour où l'autre, mais on est bouffé par toutes ces remarques qu'on a reçues étant gamin, adolescent ou jeune adulte, ces réflexions, ces moqueries ou pire, ces marques d'indifférence qui nous ont giflées au moment où on essayait justement de prendre notre élan pour esquisser nos premières envolées...

Alors voilà, on traîne nos ailes plus lourdes que jamais et elles s'usent à force de frotter le sol, on les connaît par cœur les barreaux de la cage, on a qu'une envie c'est de profiter d'un moment d'inattention général, d'un malentendu, d'un impondérable pour rejoindre ce ciel qu'on a fait qu'entrapercevoir à travers toute sa chienne de vue...

Et un jour, sans même s'en apercevoir, ça y est, on y est, on s'envole, on part, on plane, on parcourt toutes les routes aériennes qu'on devinait et même celles qu'on aurait jamais pu soupçonner tellement elles étaient à des années-lumière de la lumière à laquelle on avait toujours été habitué jusque là...

Mais on peut pas voler indéfiniment, arrive toujours un moment où on doit se poser, reprendre son souffle, des forces, la confiance nécessaire aussi pour repartir explorer l'univers et ses confins...

Et voilà, le seul endroit qu'on connaisse vraiment c'est la cage qui nous a empêché de voler tout ce temps, alors même si on sait que ce sera super difficile de repartir, on y retourne, on y retrouve nos vieilles habitudes, celles qu'on s'était juré de laisser de côté pour toujours...

Mais quand on revient après un voyage dans le ciel, on se rend compte que c'est plus tout à fait la même cage qu'avant, elle paraît vachement plus petite et moins difficile à quitter, à force de s'en arracher...

Alors on revient dans la cage avec de moins en moins de lourdeur dans le cœur au fil des excursions, on apprend même à apprécier tout ce qui nous oppressait avant, quand notre seul besoin c'était de partir, d'aller respirer un autre air et côtoyer d'autres nuages...

Et on se rend compte à force que c'était même pas une cage en fait, c'était pas une prison, juste nos peurs, nos doutes, nos manquements... toutes ces petites choses qui nous obligent à revenir nous poser ici, à reprendre des forces, avant de...

Sort:  

Congratulations @jean-yvesb! You have completed some achievement on Steemit and have been rewarded with new badge(s) :

You published your First Post

Click on any badge to view your own Board of Honor on SteemitBoard.
For more information about SteemitBoard, click here

If you no longer want to receive notifications, reply to this comment with the word STOP

By upvoting this notification, you can help all Steemit users. Learn how here!