"On fuit de deux façons : devant quelque chose et vers quelque chose ; devant le mal qu'on ne veut pas faire, et vers le bien qu'on veut retrouver. Dans le premier cas, on s'échappe ; dans le second, on se réfugie."
(Victor Hugo)
Il marchait
Son ombre marchait à ses côtés
Sur ses pieds de soie
Le vent dévalant les collines
Martelait de sable son visage
Aveuglant ses yeux bleus délavés
Deux océans de tristesse.
Il se sentait seul
Seul jusqu’à la lie
Mais libre
Libre aux confins de l’ivresse.
Il s’arrêta et contempla
Étendue en bas dans la vallée
La ville qu’il venait de quitter
Sarcophages de ciment froid
Enfermant dans la sécurité de leur égoïsme
Des âmes transies
Il ne comprenait pas pourquoi
L’homme cherchait la proximité
Alors qu’au fond de lui
Il dédaignait l’autre
Il ne comprenait pas pourquoi
Malgré l’alternance des saisons
Chez certains
Le coeur est un glaçon éternel.
Même la lune accrochée comme toile de fond
Dans le firmament d'encre
N'était plus
Qu'anonyme figurante
Elle avait depuis longtemps
Abdiqué ses faisceaux argentés au néon.
Il marchait
Son âme marchait au fond de lui
Sur ses pieds de velours
La journée est pour lui
Comme une inspiration
La nuit une expiration
Le printemps
Une illusion
L’été
Son calvaire
L’automne
Sa fatigue
L’hiver
Son repos nocturne
L’espace n’était pour lui qu’une abstraction
Il connaissait son existence
Il s’y mouvait
S’y déplaçait
Mais il ne pouvait s’en faire une image
Que nous ne pouvons en faire une du temps
Nous passons d’un instant à un autre
Sans voir le temps
Comme lui marchait d’un lieu à un autre
Sans voir l’espace
Il vivait à une autre échelle du temps
Celle où tout s'est figé.
Il marchait
Rêvant
D’un autre espace qu’il pouvait
Voir
Toucher
Ressentir
Savourer
Et s’y adapter
Son âme elle
Rêvait
D’un bout de cet infini bleu
D’une sépulture à l’ombre d’un chêne
Et d’une épitaphe sur le marbre du temps
Près du jardin aux rêves brisés
Là où jadis ses aïeux
Cultivaient l’espoir
Ce doux mensonge
Carotte inaccessible
Qu’agite un destin ironique
A la face de nos âmes avides.
Il marchait
Dans ce qui restait de l’aube
Ses pas le menaient vers son extérieur
Vers son destin
Cet inconnu.
Dans ce qui restait de la nuit
Il n’entendait plus les pas feutrés
De son âme en son intérieur
Elle ne l’accompagnait plus
Elle s’était arrêtée
Ses pieds de velours lacérés
A force d’avoir trop longtemps marché
Sur les tessons des rêves brisés.
R.Malak (15/3/2006)