Vues sur la monnaie - Bienvenue au cryptoverse ! (FR+EN)

in #fr18 days ago (edited)

FR (see below for the English version)

J'ai eu, à ma surprise je dois l'avouer, un débat philosophique constructif sur LinkedIn (pas la chose la plus étonnante, cette plateforme étant plus adaptée aux débats de qualité que Twitter par exemple) avec ... un banquier (quasi) central! Certes, pas un banquier de la BCE (ça aurait été inouï), mais un banquier de la Banque Européenne d'Investissement, un organisme publique, un mastodonte financier maniant moins de force politique que la BCE mais impressionnant par ses capacités de financer ... ou de refuser le financement.

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Le débat a commencé par un post du Prof. Dr. Bruno Colmant de l'Académie Royale de Belgique qui rappelait que, selon la tradition romaine, le droit de battre la monnaie était réservé au Souverain (les Etats). En accord manifeste avec cette opinion, très "continentale" au demeurant, Pierre-Emmanuel Noel opinait "Les cryptomonnaies sont à la finance et à la société ce que les métastases sont au corps humain."

J'ai voulu prendre position parce que je crois que c'est important. J'ai donc écrit:

Vous avez tort. Demandez une formation, je peux vous expliquer. Si vous étiez un peu moins pétri de certitudes, vous commenceriez par le texte plus bas. Mais vous n'allez pas le lire, vous allez le balayer d'un revers de main. Parce que vous n'avez aucun intérêt en la vérité et la compréhension. Tout ce qui vous préoccupe c'est la préservation du pouvoir qu'administrent aujourd'hui les banques et les banquiers - dont vous faites manifestement parti. Vous êtes un "Ulrich Bindseil" de l'EIB prêchant pour votre paroisse.

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L'auteur a répondu, à ma surprise, avoir lu et (on le devine implicitement) apprécié mon article:

J’ai lu votre article, je vois votre démarche intellectuelle qui puise dans la philosophie politique. Vous faites partie des crypto-idéalistes, par opposition aux opportunistes. C’est déjà un point de vue plus respectable mais non moins erroné. Une monnaie, c’est un instrument de souveraineté derrière lequel il y a un Etat, un parlement, une économie, une armée, une histoire. On peut investir dans les vignettes Panini ou les cartes Pokemon ou l’art contemporain si on perd confiance dans « le système ». Mais il ne faut pas alors prétendre que des pseudo-monnaies/jetons électroniques créés par n’importe qui nous apporteront un monde meilleur dans une utopie techno-libertarienne naïve teintée de néo-rousseauisme. Mais let’s agree to disagree.

J'avoue que je me suis senti flatté d'être traité de "néo-rousseauiste". Paradoxalement je ne me considère pas rousseauiste mais plutôt adepte de la philosophie de David Hume. Mais puisqu'on me voit comme ça, je prends note.

J'ai commencé à répondre à Pierre-Emmanuel Noêl mais plusieurs choses me gênaient.

D'une, il avait dit "let's agree to disagree" ce qui généralement indique qu'il n'est pas intéressé à poursuivre, bien que, pour ma part, je sentais qu'on touchait justement un point crucial dans l'exploration intellectuelle.
D'autre part continuer comme une réponse à une réponse à un commentaire me semblait ne pas faire justice à ce que je voulais écrire et qui me paraissait le point culminant du débat.

Mon premier reflexe a été de démarrer un nouveau post "racine" en y donnant l'échange au dessus comme contexte. Mais une seconde de réflexion supplémentaire m'a conduit ici, sur la blockchain. En effet, j'estime que ce (court, mais solide) cheminement intellectuel qui aboutit ici est en droit de siéger ici, sur la blockchain, pour la postérité, pour aussi longtemps que la mémoire d'Internet restera accessible.

Voici ce que je m'apprêtais à répondre:

Paradoxalement, en étant d'accord d'être en désaccord, vous êtes d'accord avec mes thèses: puisqu'elles sont que l'autorité ultime procède des individus et des groupes qui s'assemblent volontairement. D'une "uncoerced collaboration" dans les mots d'Elster, pas des Etats. Les Etats eux-mêmes, comme les parlements, les armées sont des "large scale collaborations", des "intersubjective realities", des fictions collectives qui se sont formées au cours du temps par la volonté et l'effort des individus et des groupes, et qui ont perduré car elles se sont avérées aptes durant un intervalle de l'histoire. Au fond ce que je réclame c'est le droit de paternité des individus et des groupes libres sur les institutions qui nous gouvernent. Douglass C. North (Econ. Nobel) disait "les institutions, ce sont les contraintes que les hommes acceptent de s'imposer à eux-mêmes". Si vous êtes d'accord que mes vues "ont droit de cité", implicitement vous acceptez que "nous", des gens comme moi qui partageons ces idées, choisissons librement une définition légèrement différente de la monnaie. Une monnaie multidimensionnelle d'un type nouveau. Bienvenue au #cryptoverse.

Institutions are the humanly devised constraints that structure political, economic, and social interaction. They consist of both informal constraints (sanctions, taboos, customs, traditions, and codes of conduct), and formal rules (constitutions, laws, property rights). Throughout history, institutions have been devised by human beings to create order and reduce uncertainty in exchange. Douglass C. North, "Institutions", in "Journal of Economic Perspectives, Vol. 5, No. 1, Winter 1991

La question n'est pas si un artéfact crée par un groupe d'individus généralement quelconque, et qui est accepté dans une certaine mesure, même très limitée, comme unité de compte, moyen d'échange et réserve de valeur, a le droit de s'appeler monnaie et de coexister avec et aux côtés de la monnaie traditionnelle contrôlée par les Etats.

La vraie question est: est-ce qu'un groupe d'individus, généralement quelconque mais a priori limité, a le droit et la liberté de choisir d'utiliser dans une certaine mesure comme monnaie un artefact qui n'est pas créé et contrôlé par un Etat.

La position que "nous", ce groupe généralement quelconque, mettons en avant est qu'il s'agit là d'une liberté fondamentale. Et, aussi surprenant que ça puisse paraître, c'est ce que le Règlement (EU) 2023/1114 (#MiCAR) reconnaît implicitement (et, je crains, involontairement). L'Etat n'a pas le droit d'enlever à ses citoyens cette liberté, aussi irritant que cela puisse paraître à la BCE ou à la BEI.

EN

I had, to my surprise I must admit, a constructive philosophical debate on LinkedIn (not the most surprising thing, this platform being more suited to quality debates than Twitter for example) with ... a (quasi) central banker! Certainly, not a banker from the ECB (that would have been unheard of), but a banker from the European Investment Bank, a public body, a financial behemoth wielding less political force than the ECB but impressive in its ability to finance ... or refuse financing.

The debate began with a post by Prof. Dr. Bruno Colmant of the Royal Academy of Belgium who recalled that, according to Roman tradition, the right to mint money was reserved for the Sovereign (the States). In clear agreement with this opinion, which was very "continental" by the way, Pierre-Emmanuel Noel opined "Cryptocurrencies are to finance and society what metastases are to the human body."

I wanted to take a stand because I think it's important. So I wrote:

You are wrong. Ask for training, I can explain. If you were a little less steeped in certainties, you would start with the text below. But you are not going to read it, you are going to brush it aside. Because you have no interest in truth and understanding. All you care about is preserving the power that banks and bankers administer today - of which you are clearly a part. You are an "Ulrich Bindseil" of the EIB preaching for your parish.

The author replied, to my surprise, having read and (one can guess implicitly) appreciated my article:

I read your article, I see your intellectual approach which draws on political philosophy. You are part of the crypto-idealists, as opposed to the opportunists. This is already a more respectable point of view but no less erroneous. A currency is an instrument of sovereignty behind which there is a State, a parliament, an economy, an army, a history. We can invest in Panini stickers or Pokemon cards or contemporary art if we lose confidence in "the system". But we should not then pretend that pseudo-currencies/electronic tokens created by anyone will bring us a better world in a naive techno-libertarian utopia tinged with neo-Rousseauism. But let's agree to disagree.

I admit that I felt flattered to be called a "neo-Rousseauist". Paradoxically, I do not consider myself a Rousseauist but rather a follower of David Hume's philosophy. But since I am seen as such, I will take note.

I started to respond to Pierre-Emmanuel Noêl but several things bothered me.

First, he had said "let's agree to disagree" which generally indicates that he is not interested in continuing, although, for my part, I felt that we were touching on a crucial point in intellectual exploration.

Secondly, continuing as a response to a response to a comment seemed to me not to do justice to what I wanted to write and which seemed to me to be the culmination of the debate.

My first reflex was to start a new "root" post by giving the exchange above as context. But a second of additional reflection led me here, on the blockchain. Indeed, I believe that this (short, but solid) intellectual journey that ends here has the right to sit here, on the blockchain, for posterity, for as long as the memory of the Internet remains accessible.

Here is what I was about to answer:

Paradoxically, by agreeing to disagree, you agree with my theses: since they are that ultimate authority comes from individuals and groups who come together voluntarily. From an "uncoerced collaboration" in Elster's words, not from States. States themselves, like parliaments, armies are "large scale collaborations", "intersubjective realities", collective fictions that have been formed over time by the will and effort of individuals and groups, and which have endured because they have proven themselves apt during an interval of history. Basically what I am claiming is the right of paternity of free individuals and groups over the institutions that govern us. Douglass C. North (Econ. Nobel) said "institutions are the constraints that men agree to impose on themselves". If you agree that my views "have the right to exist", implicitly you agree that "we", people like me who share these ideas, freely choose a slightly different definition of money. A multidimensional money of a new type. Welcome to the #cryptoverse.

Institutions are the humanly devised constraints that structure political, economic, and social interaction. They consist of both informal constraints (sanctions, taboos, customs, traditions, and codes of conduct), and formal rules (constitutions, laws, property rights). Throughout history, institutions have been devised by human beings to create order and reduce uncertainty in exchange. Douglass C. North, "Institutions", in "Journal of Economic Perspectives, Vol. 5, No. 1, Winter 1991

The question is not whether an artifact created by a generally arbitrary group of individuals, and which is accepted to some extent, even very limited, as a unit of account, medium of exchange and store of value, has the right to call itself money and to coexist with and alongside traditional state-controlled money.

The real question is: does a generally arbitrary but a priori limited group of individuals have the right and freedom to choose to use to some extent as money an artifact that is not created and controlled by a state.

The position that "we", this arbitrary group of people, put forward is that this is a fundamental freedom. And, as surprising as it may seem, this is what Regulation (EU) 2023/1114 (#MiCAR) implicitly (and, I fear, unintentionally) recognizes. The state has no right to take away this freedom from its citizens, however irritating that may seem to the ECB or the EIB.

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But we should not then pretend that [digital fluff] created by anyone will bring us a better world in a naive techno-libertarian utopia tinged with neo-Rousseauism.

Harsh!

I admit that I felt flattered to be called a "neo-Rousseauist"

😁

Interesting how your post develops as I was already thinking from Mr Noel's response ... "Well, are not the stakeholders of a decentralised blockchain like Hive a Sovereignty? ..."

Fun to read on a Friday afternoon! (And I interpreted some French, a bonus).

Thanks for reading and commenting. Blockchain communities do not fit the definition of a Sovereign because there is no coercion, no violence. A sovereign creates order with authority and coercion (force, violence).

A sovereign creates order with authority and coercion

I understand. I meant it in the senses "self-governed" "true to itself" and ideas like that. We have governance, we have ways of organising, we offer services (and I guess sometimes goods), at any rate, we exchange various things. We have our own culture and ways of doing things, not all of which are written into the code.

I was more challenging Mr Noel's definition of authority, state, those kinds of ideas and concepts.

I have to investigate Rousseauism now hehe.