Comment apprendre une langue étrangère rapidement ?

in #busy6 years ago

Préambule :
Cet article est une version française, remaniée et enrichie, d’un article préalablement publié sur mon blog le 4.03.2018 https://patrick-lemarie-consulting.com/
Comment maitriser plusieurs langues 1- @patricklemarie Steemit.png
Peut-être parlez-vous déjà une langue étrangère en plus de votre langue maternelle et vous êtes relativement impressionné en vous demandant comment font les gens pour apprendre deux, trois, quatre ou davantage de langues.
En fait parler deux, trois ou quatre langues étrangères relève davantage d’une méthode et d’une bonne approche que d’un exercice contraignant et rébarbatif. Luca Lampariello, de langue maternelle italienne, a accordé plusieurs entretiens à des journalistes et donne régulièrement des conseils sur sa chaine Youtube.
Dans plusieurs de ses entretiens, le polyglotte et célèbre bloggeur italien Luca Lampariello explique en détails le procédé, qui relève davantage d’une stratégie basée sur le pragmatisme.

Il s’exprime très bien dans plusieurs langues. Il a appris treize langues, y compris le russe et le japonais, qu'il considère comme l'une des plus difficiles. Son approche à l’égard des langues est ludique et pragmatique, c’est ce qui explique fondamentalement ses capacités d’acquisition et de maitrise des différentes langues qu’il a apprises. Son enthousiasme est communicatif et l’on comprend bien qu’il a vraiment envie de faire partager au plus grand nombre ce qu’il a identifié comme efficace en termes d’apprentissage des langues.

Combien de temps faut-il vraiment pour apprendre une langue et être opérationnel ?

Selon Luca, communiquer facilement de façon basique en n'importe quelle langue requiert seulement quelques heures, ce que confirme sa propre expérience:
«J'ai moi-même fait une expérience en cherchant à parler le roumain après une heure, et ce n'est pas si difficile que ça, mais bien sur ça ne signifie pas vraiment parler une langue couramment. Donc la communication de base requiert seulement quelques heures.»


Donc, si l'on a pour objectif de parler couramment, cela prendra bien sûr plus de temps, entre deux et trois ans, tandis que pour parler comme un locuteur natif il en faudra encore plus. Mais il existe tout de même des facteurs objectifs et subjectifs qui peuvent faciliter ou compliquer l'apprentissage d'une langue étrangère.
Dédicace Georges Kersaudy 2001 Le Havre @patricklemarie Steemit.jpg
Dédicace de Georges Kersaudy Le Havre, Semaine européenne des Langues

Le facteur objectif est «la distance entre notre propre langue maternelle et notre langue-cible ». Luca est italien et pour lui le fait d’apprendre le français ou l'espagnol est plus facile que pour un Chinois». C’est aussi l’opinion du regretté Georges Kersaudy, polyglotte, ancien fonctionnaire international, né au Havre en 1921, que j’avais rencontré au Havre en 2001 lors de la Semaine Européenne des Langues. Dans son livre « Langues sans frontières, à la découverte des langues de l’Europe » il explique qu’il faut apprendre les langues par tronc linguistique afin de mémoriser et de comprendre plus facilement les langues qui sont associées à un tronc commun. Sa méthode consiste à identifier les racines communes et les structures qui constituent le socle des langues. Cette méthode lui a réussi puisqu’il parlait une cinquantaine de langues quand il était encore de ce monde. J’ai pu le vérifier pour au moins une dizaine, quand à l’Université du Havre, pendant la conférence plusieurs professeurs lui ont posé des questions en plusieurs langues. Quand Monsieur Kersaudy a confié qu’il avait appris plusieurs langues en autoapprentissage avec les Méthodes ASSIMIL, et en pratiquant sur place à l’occasion de ses multiples affectations dans le monde, certains universitaires présents dans l’assistance ont exprimé plus ou moins leur étonnement. Peu importe la méthode, à mon avis il faut identifier ce qui est efficace et savoir sortir de la matrice !
https://fr.wikipedia.org/wiki/Georges_Kersaudy
Vocabulaire parallèle de 3 langues celtiques @Patricklemarie st.jpg
Extrait du livre de Georges Kersaudy Langues Sans Frontières

Texte de propagande de Staline @Patricklemarie steemit.jpg
Extrait du livre de Georges Kersaudy Langues Sans Frontières. Discours de Staline en russe, ukrainien et polonais.

Luca, quant à lui, propose sur son blog des articles de fond sur les astuces d'apprentissage. Le facteur subjectif concerne, lui, la personne elle-même avec ses propres capacités et son expérience d'apprentissage. Pour donner un exemple, le polyglotte explique qu'un Italien désirant apprendre le chinois, sans expérience de l'apprentissage des langues et sans connaissances chinoises va passer entre deux et cinq ans pour commencer à parler cette langue couramment.
«Tandis qu'une personne qui a déjà une expérience en langues, qui a déjà appris une langue exotique ou similaire au chinois, qui habite en Chine, et a l’occasion de pratiquer avec des chinois, apprendra beaucoup plus vite.

Conseils pour apprendre une langue rapidement et efficacement
L’éventail linguistique de Luca est impressionnant: il parle l'anglais, le français, l'allemand, l'espagnol, le néerlandais, le suédois, le russe, le chinois (mandarin), le portugais, le polonais, le japonais, le hongrois et est en train d'apprendre aussi le grec.

Quels conseils précis peut-il donner à ceux qui souhaitent apprendre une langue de façon très rapide et efficace?
Son propre style d'apprentissage est la traduction bidirectionnelle dont il parle sur son site, mais les techniques doivent être flexibles et adaptées aux particularités de la langue concrète et des objectifs du moment. Globalement, ses conseils sont toujours les mêmes quelle que soit la vitesse avec laquelle on apprend une langue, mais en général, pour un apprentissage intensif il faut mettre en œuvre une stratégie plus élaborée.

Il faut se fixer un objectif et un programme réalistes qui comprendra au moins deux ou trois heures par jour d’apprentissage si l’on désire obtenir des résultats assez rapides. Par contre il ne faut pas étudier deux ou trois heures de façon consécutive. Il est préférable de se fixer des plages de 25 à 30 minutes», ce qui permettra de maintenir la concentration au niveau nécessaire sans créer de lassitude entrainant l’abandon des meilleures intentions.


Ensuite, il serait judicieux de trouver un interlocuteur pour pratiquer la langue. De même, pour apprendre de façon globale, il faudra se consacrer à la lecture, l'écoute, à l'expression écrite et orale. Ce sont selon Luca des activités complémentaires qui doivent être variées.

Ce qu’il ne faut pas faire :
Luca évoque les choses à ne jamais faire qui peuvent nuire à un apprentissage efficace et rapide.
«Tout d'abord, il faut (c'est le conseil le plus important): commencer toujours avec des raisons que j'appelle intrinsèques ou intérieures et ne pas commencer avec des raisons extrinsèques ou extérieures», insiste-t-il.
Les raisons intérieures sont plus fortes que les raisons extérieures, comme la «mode» d'apprendre telle ou telle langue. Il faut être profondément conscient des raisons précises qui motivent l’apprentissage:

  • communiquer avec quelqu'un,
  • faciliter la vie dans un pays
  • apprécier la littérature étrangère.

«Ça doit être quelque chose qui te pousse en avant parce que sinon tu ne vas pas continuer, tu vas faire quelque chose à court terme mais après à terme ça ne va pas aller.»
De plus, il faut absolument rédiger un programme pour savoir ce que l’on va faire et pendant combien de temps et à quel moment. Il faut avoir des raisons très fortes et il faut avoir un objectif planifié, c'est-à-dire qu'à partir de maintenant je sais exactement ce qu'il faut faire et combien de temps je vais consacrer à cette étude.

Pour résumer les 5 conseils de base de Luca Lampariello :

  • Ne pas mémoriser les mots sans en comprendre le sens
  • Ne pas apprendre des mots qui ne nous servent pas (ou très peu)
  • Ne pas apprendre des mots hors de leur contexte
  • Ne pas laisser de côté les mots sans les utiliser
  • Ne pas oublier de noter immédiatement les mots sur un support (papier ou ordinateur).

Premièrement, on ne doit pas attendre des années pour parler. Comme le disent les allemands « Übung macht den Meister » c’est l’exercice qui fait le maitre. Les français disent « c’est en forgeant que l’on devient forgeron ». A propos de cette maxime une réflexion s’impose quand on utilise des expressions dans une langue pour lesquelles il existe des expressions « équivalentes » reconnues pour une autre langue. Nous voyons bien ici quand on connait le français et l’allemand qu’il y a des différences subtiles dans le sens initial de chaque expression.
Le fait de s’exercer ou de pratiquer exprimé par le verbe allemand « üben » est différent du verbe français « forger » qui signifie plus que pratiquer, et introduit une notion d’intensité, d’effort, de dextérité. Le traducteur sait bien cela. Traduire c’est aussi accepter la frustration, c’est-à-dire tendre vers la perfection de la transposition linguistique sans jamais l’atteindre vraiment. Cela nous renvoie à nos limites humaines et nous aide peut être dans une certaine mesure à ne pas succomber au danger de la « Toute Puissance».
Deuxièmement, il a des gens qui se disent: je vais parler quand je serai prêt. Le bon moment c’est maintenant. Renoncer à la perfection en tendant vers elle est peut-être une des meilleures stratégies. C’est ce que je pense en tant que traducteur interprète.

Je pense également que dans tout apprentissage il doit y avoir une part de plaisir. C’est ce qu’affirme Idriss Aberkane. Apprendre l’anglais en chantant des chansons de bons auteurs (les Beatles, Elton John, Phil Collins, Lionel Ritchie …), en étudiant le sens des paroles tout en prononçant les mots comme l’artiste, par effet de mimétisme, est tout aussi efficace, au moins dans un premier temps ; plutôt que de s’imposer l’étude des œuvres de Shakespeare, même si l’intérêt pour cet auteur peut se manifester ensuite, quand on aura suffisamment maitrisé la langue.

Et vous ? Quelle est votre expérience de l’apprentissage des langues ?

Sources consultées pour la rédaction de l’article:
The 5 Biggest Mistakes When Learning Vocabulary - Luca Lampariello


How to read if you want to improve your foreign languages - Luca Lampariello

Georges Kersaudy chez Autrement Frontières “Langues sans frontières, à la découverte des langues en Europe »
Henriette Walter « l’Aventure des Langues en Occident »
Ekaterina Yanson sputniknews.com

Sort:  

Article trés intéressant même si je ne me laisse pas convaincre que c'est si facile, en tout cas pour tout le monde. Commencer en 1h il faut être doué. Parlé comme un local ce n'est pas plus de temps que cela demande mais énormément de temps. J'ai travaillé plusieurs années en Espagne, langue proche s'il en est , du Français. Sur l'ensemble des Français rencontré vivant là bas ceux qui peuvent passer pour un Espagnol se compte sur les doigts d'une main ... et encore.
Cela n’enlève rien à l'intérêt de l'article qui encourage à se lancer et ne pas se décourager. Apprendre une langue est pour moi une expérience fantastique.

Tu as raison il y a une différence importante entre pourvoir se débrouiller dans une langue et la maitriser presque comme un natif. Disons que l'article que j'ai écrit en me basant d'une part sur l'expérience de Luca Lampariello et d'autre part sur celle de Georges Kersaudy (et aussi la mienne) a l'objectif d'inciter le plus grand nombre "à se lancer". Le fait de pratiquer une nouvelle langue c'est aussi découvrir une nouvelle culture et je dirais que c'est tout autant enrichissant que de pouvoir communiquer autrement.

Oui 100% d'accord, apprendre une langue est vraiment enrichissant. En plus d'ouvrir des espaces nouveaux c'est une grande satisfaction personnelle.